Acteur incontournable de l’histoire du cinéma italien ayant joué chez Mario Monicelli, Dino Risi ou Marco Bellocchio, Michele Placido fait partie de ces figures qui ont véritablement relancé le cinéma italien au milieu des années 2000. Comme acteur tout d’abord, avec sa présence dans les formidables Arrivederci amore, ciao et Le Caïman, mais également en tant que réalisateur avec l’ambitieux Romanzo Criminale. Le Rêve italien sorti l’année dernière n’avait pas vraiment convaincu, et il revient cette année avec la mise en scène d’une nouvelle saga gangstériste, tirée de la vie réelle du mythique Renato Vallanzasca qui purge actuellement sa peine de 260 ans d’emprisonnement. L’Ange du mal est une épopée extrêmement classique sur le triomphe puis la chute d’un anti-héros, qui n’apporte rien de bien nouveau au genre mais s’éloigne considérablement de la tendance qui sévit depuis quelques années, à savoir le refus de glorifier les sales types. Ainsi, Michele Placido renoue avec le film de gangster comme l’avaient imposé Martin Scorsese ou Brian De Palma, celui qui nous fait rêver.
Il transforme ainsi une sorte de primate fonctionnant bien plus à l’instinct et au culot qu’à l’intellect en héros populaire. Il convient d’accepter ce choix de narration qui balaye les nouvelles conventions étriquées et moralisatrices du genre pour apprécier le spectacle mais on se trouve devant un personnage tellement charismatique et haut en couleurs que l’empathie se dessine immédiatement, se transformant peu à peu en fascination. Le regard de Michele Placido sur Vallanzasca est sans équivoque. Il ne le juge pas, les autorités s’en sont occupées, ni lui ni ses actes, prend les libertés qu’il faut avec l’histoire, et prend le pari du romantisme. Ainsi, le gangster se voit doté non seulement de circonstances atténuantes, à travers les flashbacks de son enfance, mais également d’une véritable aura populaire. Son charme dépasse ainsi celui, déjà montré comme surpuissant, de Jacques Mesrine dans le diptyque de Jean-François Richet (L’instinct de mort et L’ennemi public n°1). Et si les deux sagas ont énormément de points en commun, le traitement diffère, L’Ange du mal ne cherchant jamais vraiment une quelconque portée politique ou sociale, l’idée étant de glorifier comme il se doit un bad guy et de le montrer comme une sorte de Robin des bois jouisseur. Et ça fonctionne plutôt pas mal, L’Ange du mal étant une de ces bobines provoquant un réel plaisir de spectateur en manque d’ordures à vénérer. Car ce sale type ne nous est jamais montré comme tel, mais au contraire comme une sorte de demi-dieu ayant, sur une plage temporelle extrêmement resserrée, tout donner pour son plaisir personnel. Braquages, came, femmes, le cocktail magique est bien présent et s’accompagne d’une absence de lourdeur morale qui éloigne L’Ange du mal de tout film à thèse pour l’ancrer dans du pur cinéma de genre. Mais cela ne l’empêche pas pour autant de dresser le portrait d’une Italie mise à genoux par la mafia des années de plomb, celui également d’un homme tout à fait conscient de sa durée de vie éphémère en tant que prince du crime ou tout simplement d’un mode de vie fait d’excès en tous genres et d’une galerie de personnages incroyable de bêtise et de générosité.
Porté d’un bout à l’autre par le charme animal de Kim Rossi Stuart qui capte l’attention de la caméra avec un magnétisme incroyable, en digne descendant de tous ces grands acteurs italiens dont les figures de gangsters sont inoubliables, L’Ange du mal s’impose non pas comme biopic mais comme polar flamboyant. Jamais vraiment très noir, à peine violent, il vaut surtout pour sa peinture glamour d’un milieu qui ne l’était sans doute pas autant. la magie du cinéma c’est également ça, transformer une ordure en objet de désir simplement par l’écriture et la mise en scène. Et Michele Placido l’a très bien compris tant il se complaît dans la peinture romantique de son héros, ne refusant aucun image iconique ou effet de style glorifiant. Couleurs et poses symboliques, ralentis sensuels, tout y passe pour célébrer le culte du gangster. Et si finalement le film en raconte pas grand chose, il est de ces petits plaisirs, enfant de Scarface à l’esthétique léchée qu’il serait bien dommage de bouder, d’autant plus que l’ensemble est électrisé par une bande son géniale. Classique, romanesque, ne manquant pas de style et rempli de bad guys à moustache, L’Ange du mal vaut le coup d’oeil.