Quantcast
Channel: Filmosphere » Roumanie
Viewing all articles
Browse latest Browse all 6

[Critique] If I Want to Whistle, I Whistle (2010)

$
0
0

On a tous des aprioris sur le cinéma roumain, et à vrai dire ils sont souvent justifiés. Du cinéma vérité âpre, esthétiquement épuré, très proche du documentaire, on penserait presque au dogme mis en place au Danemark il y a quelques années (et heureusement abandonné depuis). Mais ce cinéma, aussi austère soit-il, n’a aucun mal à convaincre dans les festivals européens. On se souvient de la palme d’or de 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Christian Mungiu, parfait représentant de cette nouvelle vague roumaine qui n’a pas vraiment envie de nous faire rire avec leurs films. Et ce tout premier film de Florin Serban ne fait pas exception à la règle! Âpre, ultra réaliste et épuré jusque dans l’absence de bande son, interprété par des acteurs amateurs, If I Want to Whistle, I Whistle aborde sous un autre angle la vague actuelle s’intéressant aux films de prisons (le sujet dépasse clairement les frontières) et a valu à son jeune réalisateur un beau Grand Prix / Ours d’Argent au dernier festival de Berlin, ce qui représente une sacrée récompense pour un premier long-métrage. Et si les qualités de son film sont indéniables, il faut avouer qu’il fait tout de même pâle figure devant d’autres tentatives récentes d’aborder l’univers carcéral, avec en tête un Prophète qui est un chef d’oeuvre d’un tout autre niveau et qui reste le modèle moderne à suivre. La faute à un jeu d’acteur vraiment approximatif et qui ne permet jamais de vraiment ressentir quelque chose pour les personnages, les laissant évoluer à distance du spectateur.

if i want to whistle i whistle 11 [Critique] If I Want to Whistle, I Whistle (2010)

Finalement plus proche de Dog Pound que du film de Jacques Audiard, simplement par son décor déjà, une prison pour jeunes délinquants, If I Want to Whistle, I Whistle nous propose un fil narratif plutôt original car on apprend dès le début que Silviu, unique personnage central, va être libéré d’ici peu. On ne saura jamais les raisons pour lesquelles il s’est retrouvé enfermé, afin d’éviter sans doute tout jugement moral vis-à-vis de ses actes, et on le suivra jusqu’à l’approche de sa libération. Comme dans tout film de prison on ne nous épargne rien des éternelles humiliations psychologiques ou physiques même si Florin Serban joue habilement avec les hors champs et les ellipses afin de ne pas tomber dans l’ultra-glauque frontal. Mais il est clair que ces quelques jours se transforme vite en cauchemar, les autres détenus testant en permanence les nerfs de Silviu qui sont sur le point de lâcher, chose qui le conduirait vers une prolongation dans l’établissement.

Mais bizarrement dans ce film, les principaux problèmes du personnage ne viennent pas de ses co-détenus mais de l’extérieur de la prison, de sa famille exclusivement. On est dans du cinéma vérité qui se veut le reflet d’une société bien réelle, et on a là une illustration du modèle familial roumain moderne, un modèle qui fait franchement froid dans le dos. Ainsi on apprend que Silviu a élevé son petit frère tout seul suite au départ de la mère pour l’Italie, refuge pour de nombreux roumains souhaitant un emploi plus stable et plus avantageux sur le plan financier. Abandon total de la cellule familiale au profit d’un certain niveau de vie donc, le constat est plutôt triste. Sauf que cette mère démissionnaire s’est mis en tête de venir récupérer le frère cadet pour l’emmener avec elle, et ce juste avant la libération de Silviu, on comprend bien le dilemme chez le bonhomme un peu simplet et très impulsif qui d’un côté doit trouver une solution pour gérer se problème se passant hors de la prison, et donc inaccessible, et le fait qu’il doive se tenir à carreau pour ne pas prolonger son séjour. C’est la vraie bonne idée de ce film qui, on s’en doute, suit autrement le schéma habituel d’une tension montante débouchant sur un climax.

if i want to whistle i whistle 2 [Critique] If I Want to Whistle, I Whistle (2010)

Plutôt intelligent également d’amener un récit parallèle de type romance impossible et naïve qui là aussi aboutit sur le drame final qu’on ne dévoilera pas. Ce drame justement, il constitue le point d’orgue du film. Assez puissant, bénéficiant d’une véritable tension palpable, il représente un joli tour de force scénaristique mais est marqué par le manque de prestance de l’acteur principal qui rend les choses assez difficiles. On sent immédiatement ses faiblesses (en tant qu’acteur), on ne voit jamais le personnage devant l’interprète, et la conséquence inévitable est qu’on ne croit jamais au danger qui le menace. On saisit ici la limite d’utiliser des acteurs amateurs, il faut savoir les diriger et Florin Serban n’en est apparemment pas capable. Dès lors on se désintéresse un peu de tout ce qui se passe, et c’est bien dommage car le film est bien entendu bourré de belles choses.

Toutefois, si cet acteur clame clairement les ardeurs par rapport à un film qui aurait pu être surpuissant, en particulier sur le plan émotionnel, il n’en reste pas moins que If I Want to Whistle, I Whistle est plus qu’un film de prison lambda. C’est une première oeuvre assez brillante sur certains points, comme la mise en scène très immersive (et qui contraste donc avec l’acteur qui n’est jamais meilleur que filmé de dos à la Gus Van Sant), sèche et douloureuse. On en ressort pas vraiment perturbé, légèrement touché par une scène finale audacieuse et onirique mais avec la sensation qu’entre d’autres mains cela aurait pu être très grand. En l’état c’est tout de même une première oeuvre plutôt prometteuse avec un nouvel espoir à ajouter à la liste de cette nouvelle vague roumaine. Mais il semblerait que le jury de la dernière Berlinale ait été très généreux de lui donner cet Ours d’Argent!


Viewing all articles
Browse latest Browse all 6